Gonzalo VILLEGAS CURULLA

Gonzalo VILLEGAS CURULLA

  • Quel a été ton parcours avant le Collegium Musicæ ?

Après avoir obtenu un premier diplôme de musicologie à l’Université Autonoma de Barcelone, je suis parti en Écosse pour intégrer le master d’« acoustique et technologie musicale » de l’Université d’Edimbourg. Je suis également pianiste et j’ai obtenu un diplôme au « Conservatori Superior del Teatre del Liceu » à Barcelone.

  • Pourquoi avoir choisi de faire la recherche pluridisciplinaire au Collegium Musicæ ?

Tout d'abord, je crois que la musique, comme les autres formes d'expression artistique, est inévitablement influencée par les avancées informatiques : on entend maintenant parler des « humanités numériques ». Il serait dommage de ne pas tirer parti de ces avancées en matière de ressources, et en effet, elles ont commencé à apporter des contributions à la vie artistique il y a déjà plusieurs décennies. De nombreux exemples existent, depuis la naissance des synthétiseurs jusqu'à la musique concrète, ou plus récemment, les algorithmes pour relever des informations à partir de la musique enregistrée (music information retrieval) ou les applications du machine learning aux données audio. Tirer parti de telles ressources, dans le cadre de mon choix de recherche particulier, signifie que je peux étudier la créativité musicale en utilisant des outils qui me donnent un accès virtuel à des lieux et à des instruments qui ne sont pas physiquement accessibles.

Deuxièmement, les avancées et les croisements entre les domaines d'étude ont progressé. De la même manière que désormais, nous ne pouvons plus nous centrer sur un seul et même domaine : peu importe la spécificité de votre problématique, vous finirez par emprunter des connaissances et des outils venant d'autres domaines ou des combinaisons de croisements différentes vous apporteront un éclairage nouveau à votre analyse. C'est un défi, mais il est plein d’intérêts intellectuels. Si vous y pensez, lorsque vous réfléchissez à l'objet de votre recherche, vous finirez probablement par trouver que cette complexité de croisements était déjà inhérente à l'objet lui-même avant son abstraction en laboratoire. Dans mon cas, il s'agit de l'acoustique d'une chapelle presqu'inaccessible et du son de l'orgue qui s'y trouve, littéralement en ruines.

L'apprentissage à partir et pour les ressources informatiques disponibles susmentionnées, appliquées à la musique et à l'acoustique, dans un but si personnalisé, fait nécessairement du projet de recherche : vous le vivez, vous l'expérimentez et vous évoluez avec lui.

  • Peux-tu présenter tes travaux de recherche au Collegium Musicæ ?

Comme je le disais, je travaille sur la Chapelle de la Sorbonne qui est un édifice commencé à la période gothique, situé au centre de la Cour d’Honneur, et plus particulièrement sur son orgue Dallery datant de 1825. Ma thèse, intitulée « reconstruction numérique de l’acoustique de la Chapelle de la Sorbonne et de l’orgue Dallery », a pour objectifs de rendre audible la réponse acoustique de l’édifice et de reconstruire le son de l’orgue. Deux questions se posent alors : d’une part comment reconstituer virtuellement le son de l’orgue à partir des éléments observables aujourd’hui sachant que de nombreux tuyaux ont disparu ? Et d’autre part comment restituer la réponse acoustique de la chapelle ? 

Grâce à la modélisation, nous pouvons observer comment se propage, théoriquement, le son en rayon dans les 14000m3 de la chapelle et comment cet espace répond en termes de clarté et de temps de réverbération par exemple. En ce qui concerne l’orgue, il comptait à l’origine pas moins de 1400 tuyaux. Mon objectif est de modéliser le comportement du jet d’air qui traverse leurs bouches et le système de soufflerie qui les alimente. 

Je m'intéresse également à ce que ces outils de simulation peuvent apporter à la facture instrumentale en ce qui concerne l’organisation des différents jeux dans un buffet d’orgue, la qualité sonore à différentes positions d’écoutes dans la chapelle par exemple. Ils peuvent également être de précieux apports pour la recherche en musicologie en termes de répertoire, d’interprétation, etc.